Bonjour, mesdames, mesdemoiselles, messieurs,
Je vais aujourd’hui vous parler de perversité. C’est un sujet relativement peu abordé car il fait peur. Qui ne se sent pas pervers quelque part ? Déjà que les enfants sont des pervers polymorphes… D’ailleurs, que signifie « pervers polymorphe » ? Ce sont, disent les psychanalystes, des pervers dont la perversité n’est pas encore fixée. Ils sont donc pervers tous azimuts. Vous vous rendez compte des champs qui s’ouvrent à eux ? Pure merveille ! Pouvoir être pervers dans tous les domaines ! Mais ne nous égarons pas. D’abord, qu’est-ce que la perversité ? C’est, nous dit le vieux dictionnaire : « Prendre les choses à l’envers. Du latin per et versus : "Retourner", "détourner" ». Evidemment, le sens a évolué et, si vous demandez aujourd’hui à M. Larousse ce qu’il en pense, il vous répondra : « Faire le mal pour le plaisir. » Mais j’aime autant vous dire, cette définition est perverse ! C’est un détournement de sens ! Où a-t-on vu que « prendre les choses à l’envers » était faire le mal pour le plaisir ? Prendre les choses à l’endroit serait donc faire le mal pour faire le mal, sans plaisir, simplement par nonchalance en quelque sorte, sans y penser, sans raison ? C’est ça qui serait pervers ! Pensez donc si faire le mal ne vous apportait aucun plaisir, pourquoi le faire ? Revenons donc à notre définition : « Prendre les choses à l’envers ». Le plus simple sera de choisir quelques exemples : Vous voulez faire le bien. Sortir un malheureux de l’incendie qui le menace. Mais, ce faisant, vous le repoussez dans le brasier par pure maladresse. Pure malchance ? Aucun plaisir de faire le mal mais effet pervers de votre… bonté ? De votre… sacrifice ? Allez, disons « effet pervers de votre action ». Votre action s’est inversée. Perversité ! « Fatalitas » disait Chéri-Bibi. Ben oui. Le chirurgien qui tue son malade d’un geste bien intentionné, l’ethnologue qui apporte la vérole à la peuplade sauvage qu’il vient étudier, le professeur qui entraîne son élève dans la voie de garage qui lui est chère…, perversité que tout cela bien que ce soit sans aucune intention de faire le mal et sans aucun plaisir « bien au contraire » à le faire. Est-ce qu’un effet pervers serait autre que la perversité ? Mais si la perversité n’était autre que la différence entre la réussite et l'échec ? Quel est le contraire de la perversité ? Le droit chemin ? En termes savants, « contraire » se dit "antonyme", ce qui, mesdames et messieurs, fait beaucoup plus sérieux. Et, sur la Toile, le Web, le site des antonymes à « perversité » donne, tenez-vous bien : "bienveillance", "bonté". Remarquez, je ne sais pas d’où sort ce site ni qui s'en occupe et l’anime. Toujours est-il que j’ai eu l’idée, étrange sans doute, perverse peut-être, de rechercher l’antonyme de « antonyme ». Eh bien, pas trouvé. Que conclure ? Sinon que le monde est pervers, il est susceptible d’être à l’envers. Mais je reviens à mon hypothèse. La différence qu’il y a entre « perversité » et son antonyme, c’est la réussite. Une perversité réussie, c’est le succès, c’est la gloire et c’est très bien. C’est même un modèle. Et puisque, mesdames et messieurs, vous êtes tous artistes, prenons l’art comme exemple. Demandez à n’importe quel parent d’artiste, père ou mère (les oncles et les tantes, c’est une autre histoire, ils ont pour devoir de suppléer aux insuffisances des parents) mais père ou mère d’un enfant qui veut devenir artiste : peintre, sculpteur, chanteuse, écrivain… N’est-ce pas de la perversité pure ? « Cet enfant, on n’en fera jamais rien, vous vous rendez compte ? Il veut devenir peintre ! Et comment il paiera son loyer s’il est gagne-misère avec sa peinture à laquelle, en plus, on ne comprend rien ? » Pervers, petit pervers, qui fait le mal par plaisir et qui fait pleurer ses parents ! Là, on y est, dans la définition de M. Larousse ! C’est qu’il prend la vie à l’envers ce petit monstre ! Au lieu de faire de bonnes études comme tout le monde, Polytechnique ou Centrale, il veut faire les beaux-arts, ce lieu de stupre et de perversité ! « On sait bien ce qui s’y passe », dit l’émotion émoustillée du papa qui ne serait pas contre y aller voir… Enfin, vous connaissez la chanson, hélas. Et si l’artiste réussit ? La perversité est retournée comme un gant ! La bienveillance, la bonté, ce n’est pas lui, c’est la façon dont on le regarde, lui et son compte en banque ! Vous pensez bien ! Et tout ce qu’on dira sur ce génie qui peint si bien, chante si bien, joue si bien, qui est dans tous les journaux people et même reçu à l’Élysée… C’est peut-être bien ça, la vraie perversité : le renversement des valeurs… Je vous remercie de m’avoir écouté et me tiens à votre disposition si vous avez des questions…
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AVIS!
Voici des petites histoires, des contes et une histoire plus longue qui est pour moi un succès en ce sens que je n’arrivais pas à écrire autre chose que des courtes histoires. ArchivesCatégories
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