Le problème est de savoir si une œuvre est une bouteille à la mer ou un boomerang. Ni l’un ni l’autre ? Exclus ! L’œuvre quitte son auteur car le créateur ne crée pas pour rien. Même Dieu le Père a créé un billard à trois bandes ou à mille bandes. C’est pareil, simplement une question d’échelle. Parce que son truc, c’est que, une fois créée, sa création s’est mise en mouvement et qu’il n’était plus question de l’arrêter. Il a bien essayé le déluge, la tour de Babel et tout ce qu’on ne nous dit pas. Mais le mouvement, l’impetus, pour faire genre, fait que la création n’est pas prête à s’arrêter. En fait, c’est peut-être plutôt du billard électrique… mais sans tilt. Ou alors un tilt temporaire et ça redémarre avec la même boule… Bon, mais enfin, Dieu le Père est quand même un cas particulier. On ne peut guère généraliser à partir de lui. Donc, prenons un œuvrier quelconque. Je sais qu’aucun de ces gens-là ne se reconnaitra comme quelconque… Sont tous spéciaux, ce sont des artistes. Prenons un écrivain. Je prends cet exemple parce que c’est lui qui m’a mené à ces pensées puis à ce texte. Je lui dois donc quelque chose. Voilà. C’est un écrivain qui existe. Il est édité et je l’ai connu par une critique dans Le Monde. Il s’appelle Eric Vuillard. Il a écrit des choses et en particulier un livre publié chez Actes Sud qui s'appelle Congo, sous-titre : Récit. Si, c'est un récit. Et c'est surtout un cri. Je ne peux qu’en conseiller la lecture tout en recommandant aux âmes faibles de le faire avec précaution. En exergue, Eric Vuillard a écrit : « Devine où je te dévore Le Sphinx » Je me suis senti interpellé. « Devine ou je te dévore », « Devine où je te dévore ». Volontaire ou faute de frappe ? Parce que je n’en ai pas l’air, mais quand je lis, je lis. Il arrive que je laisse passer des choses, mais ma curiosité est grande. Et j’ai vu ça après avoir lu le livre. J’ai essayé de penser un peu. L’affaire du Sphinx, on la connait, c’est Œdipe, l’homme aux pieds gonflés. Et ça, c’est une énigme dont la réponse est l’homme et donc la langue au chat (chat géant qu’est le Sphinx) entraîne d’être dévoré. Voir F’murr et Le Génie des Alpages, et toute la littérature. Il y a aussi Le Marchand de Venise. Devine où je vais prendre la livre de chair que j’ai gagnée ! Donc perplexe. C’est là que je me suis dit : Bouteille à la mer. Je suis livré seul à ma perplexité. L’auteur a lancé un message que je reçois et avec lequel je dois me débrouiller. Je suis seul dans le grand bain. À moi de comprendre avec le risque justement de ne pas comprendre ou de comprendre faux. Mais je m’approprie l’œuvre. Elle m’appartient désormais. Ou Boomerang : le message peut lui revenir avec une demande d’explication, demande de compréhension, demande d’aide en fait. Petit enfant curieux, j’ai écrit à l’auteur c/o l’éditeur. Il m’a répondu. Boomerang… Je cite « Il n’y a pas d’erreur, c’est bien l’adverbe de lieu, car ça nous dévore bel et bien comme vous le notez ; la question est donc de savoir où, et je crois que c’est au cœur ! » Je ne vais pas insister sur le livre d'Éric Vuillard, qui, comme celui que j’ai lu immédiatement après, La Bataille d’Occident, est un cri d’horreur devant la bêtise et la méchanceté occidentale. Non, mon but ici, comme je l’ai laissé entendre (lire ?) est d’essayer de comprendre si cette problématique de l’œuvre, message abandonné ou devant revenir, peut servir à quelque chose. La chose est compliquée : l’œil du peintre est unique. Même s’il en a deux. Je veux dire que seul le peintre voit ce qu’il a peint. Il peut essayer de l’expliquer, ça peut marcher un peu. Par exemple, je connais un sculpteur abstrait. Il fait des lignes, des masses en bois, en ce qu’il peut. Et on voit des lignes, des masses qu’on peut trouver belles ou non, mais qu’on ne considère que sous un aspect esthétique. Il n’a pas l’idée d’en dire plus, le sculpteur, il laisse l’œuvre se défendre seule. Mais si l’occasion se présente, il explique et on commence à voir les lignes des cannes à pêche au bord de l’étang. Et l’esthétisme se complique de la compréhension de son intention d’une représentation particulière de ce que son œil a vu. Mais il n’a aucun besoin de savoir ce que moi, j’ai vu ou compris : cela l’indiffère totalement. Il est déjà dans l’œuvre suivante… Il est vrai que l’œuvre est destinée à partir, à vivre sa vie sur le mur d’un appartement ou les cimaises d’un musée… ou les rayons d’une bibliothèque…, ou la poussière d’un square… Mais n’est-il pas important de savoir qu’on est compris, même mal, même temporairement ? On ne travaille pas que pour soi-même mais pour partager, pour dialoguer, non pour monologuer, non ?
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AVIS!
Voici des petites histoires, des contes et une histoire plus longue qui est pour moi un succès en ce sens que je n’arrivais pas à écrire autre chose que des courtes histoires. ArchivesCatégories
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