C’est une histoire morale. Pour une fois. Donc, comme c’est incroyable, pour éviter tout malentendu et toute confusion avec des personnes ayant existé, disons que c’est un conte.
Donc, il était une fois… Une petite ville, assez grande pour avoir tout ce qui fait une ville, une mairie avec un maire et un conseil municipal et une secrétaire de mairie, une église avec un curé et un bedeau et des enfants de chœur, un musée avec un conservateur, amateur certes mais passionné, des écoles primaires, un collège, un lycée et tous les braves gens qui peuvent habiter dans une ville. Mais assez petite pour que tout le monde se connaisse ou à peu près, qu’il y ait des ragots, des secrets supposés ou réels et tous les petits scandales qui occupent tant ces pauvres humains. Donc, dans cette petite ville (de province bien sûr) il y avait un petit garçon. Et il était très malheureux. Ce n’est pas que les gens étaient méchants avec lui, que ses parents le battaient ou qu’il n’avait pas de copain. Non, il était gentil, ses parents adorables et ses amis de vrais amis. C’est qu’il avait un don : celui de tout rater ! Personne n’échouait en tout comme lui ! On disait, sans méchanceté, qu’il avait deux mains gauches. Ou qu’il était bien étourdi pour ne pas avoir de meilleures notes, intelligent comme lui. Mais une malédiction poursuivait ce petit Amédée. Car il s’appelait Amédée notre petit malchanceux. Il avait regardé dans le dictionnaire de son grand- père ce qu’il y avait sur ce nom qui puisse expliquer un peu pourquoi les mauvaises fées s’étaient réunies autour de son berceau. Il avait vu : Genre d’insecte diptère, fondé sur une espèce unique trouvée à la Rochelle par M. Amédée de Saint Fargeau Fils. Même pas par le père ! Et puis encore : Amédée, nom commun à plusieurs ducs et comtes de Savoie. V. Savoie. Comme si des ducs et des comtes pouvaient avoir un nom commun ! Et ce n’est pas une blague, vous pouvez vérifier ! Avec un nom pareil, comment réussir dans la vie ? Il s’était surnommé « A Merdé ». Personne ne le savait, c’était son secret et personne n’y avait pensé ou n’avait eu la cruauté de le lui dire, mais presque chaque jour, quand il ratait encore, il se disait une fois de plus : « A encore merdé, Amédée ! » Mais à l’école, bien sûr, si on rate, on passe pour un crétin ! Pas méchamment, d’autant plus qu’il était visible qu’il faisait son possible, mais comment comprendre qu’avec ses capacités et ses efforts il échoue toujours ? Et il se faisait traiter de crétin plus souvent qu’à son tour ! Même ses copains : comment faire avec quelqu’un qui ne sait pas attraper un ballon et qui au moment de marquer un but glisse dans une flaque d’eau ? Un vrai crétin ! Même son anniversaire : le 24 décembre ! Inutile de dire qu’on ne le fêtait jamais, confondu avec Noël. A encore merdé ! Quel crétin ! Et puis, cette année, le maire de cette petite ville a eu une idée, que le conseil municipal a voté comme un seul homme ou comme une seule femme (faut pas oublier la parité !). Il a proposé que cette année-là, et peut-être les autres aussi si les électeurs suivaient, que la petite ville serait la ville du Père Noël. L’idée a plu tout de suite. Comment ne pas être séduit ? Et toutes les bonnes volontés se sont rassemblées pour cette cause merveilleuse. Et puisque le bonhomme Noël n’appartenait à aucun parti, à aucune église, qui aurait pu être contre ? Quelques partisans de Saint Nicolas sans doute, mais on peut fêter les deux ! Rien ne l’interdit ! Donc, à chaque carrefour, un Grand-père Noël, dans toutes les vitrines, dans les salles de classe, à la mairie, à côté de Marianne, à l’église même ! Et l’esprit de Noël était partout présent dans notre petite ville : journaux, spectacles, expositions, tout était pour lui ! Oubliamedée insecteés les cancans, les petits scandales, les ragots ! Tellement qu’on peut penser que le Père Noël a eu l’idée d’aller voir cette petite ville qui lui faisait une telle fête. Et notre Amédée a bien dû penser qu’il avait une petite chance quand même. Et dans son cœur de petit garçon, il a parlé au Père Noël. Et on peut se douter de ce qu’il lui a dit, même si personne ne l’a jamais su. Et des changements, pas bien grands mais quand même, ont commencé : sa grand-mère a dit qu’il fallait arrêter d’oublier son anniversaire et a décidé que puisque toute la ville fêtait le père Noël, elle, elle fêterait son petit-fils, non mais sans blague ! Et puis, à sa première rédaction de l’année, il a pas eu une bien bonne note, non, mais il y avait du mieux. Et quand il a taillé son crayon, la mine ne s’est pas cassée. Et puis ça a continué. Il n’était pas premier, non ! Il ne réussissait pas tout, non ! Mais il y avait du mieux ! Il lui arrivait de marquer un but ! Pas toujours, mais… il y avait du mieux. Et il a fait de bonnes études. Et comme ses parents le souhaitaient tant, il est parti dans la capitale faire de grandes études, et il est parti à l’étranger travailler dans une grande société et il a rencontré une belle fille qu’il a séduit et ils eurent de beaux enfants sages et intelligents. Il avait réussi sa vie et avait oublié « A merdé ». Mais « crétin » lui était resté sur le cœur. Le moment de la retraite arriva et avec sa femme, il décida de revenir dans sa petite ville bien tranquille. Et comme le maire était mort, il fut élu maire. Et tout continua à bien se passer. Mais un jour, un 24 décembre, quand la ville fêtait le Père Noël suivant une tradition si ancienne que personne ne se rappelait quand elle avait commencé, il profita de la dernière réunion de l’année du conseil municipal et demanda ou exigea, que sa rue, la rue où il était né et où il habitait la vieille maison de ses parents, s’appelle la rue du Crétin et que jamais ce nom ne soit changé. Et dans toute la ville, les carrefours, les vitrines, les journaux, les spectacles, partout où il y avait un Père Noël, ceux qui savent regarder, le virent cligner de l’œil et rire dans sa barbe ! Et les gens de la petite ville se demandent encore pourquoi cette rue s’appelle comme ça ! Ça doit remonter au Moyen-Âge ou alors une vieille légende ! Qui sait ?
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Gentil lecteur, mon ami, mon frère, gentille lectrice, mon amie, ma sœur, ce livre, m’ont dit les éditeurs, n’est pas publiable. ArchivesTitres
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